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le dernier. Ça montait en descendant ou ça descendait en montant, au choix, sur l’échelle flamboyante des apothéoses.

De pareils tours de force, on n’en exécute pas deux fois le saut périlleux, mais j’avais, dès l’entrée, compris mon bonhomme, il n’y avait pas à lui marchander les adjectifs. L’idée qu’il se faisait de l’esthétique était certainement connexe à celle qu’il avait du commerce et voici quelle elle était. Il m’avait reçu dans sa parfumerie de la rue Saint-Honoré, car il cumulait les industries. S’il collectionnait d’une main et taillait de l’autre, il en avait une troisième, comme les héros distraits de Ponson du Terrail, pour distiller une eau dentifrice dont il était débitant et propriétaire. Lorsque je le saluai, il était assis devant une rangée de petites fioles d’égale contenance et remplies de l’élixir. Il les reprenait une à une et les vidait de quelques gouttes dans un autre flacon semblable.

— Vous le voyez, sourit-il, j’en gagne une sur douze. Il n’y a pas de petites économies !

Et comme je lui faisais observer que ceux qui achèteraient les douze autres n’auraient ni leur poids ni leur compte :

Eh bien, fit-il, c’est pour l’exportation. Elles vont en Amérique, par paquebot. Dix jours de mer, n’est-ce pas ? On a droit à l’évaporation ! ! !

Non fichtre, il n’y avait pas lieu de les lui marchander, les adjectifs. Il en a eu pour les cent louis, sans évaporation.