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en forme de circulaire, étreignit mon âme, je ne l’aurais pu, alors, que par des cris inarticulés, et, aujourd’hui encore, au bout de quarante-trois ans, les mots me manquent pour en dépeindre le souvenir. J’avais vingt ans, je le répète, j’étais potache, imaginez cette aventure ! Le soupçon me fouetta de quelque « blague » de camarades. Mais un tel maître s’en fût-il fait complice ? D’ailleurs, le bulletin portait bien le timbre-cachet de la Comédie-Française et il était signé du nom du lecteur-archiviste : Léon Guillard.

Jules Thiénot me rejoignit dans l’allée du lycée.

— Eh bien, vous voilà content, poète ?

— C’est vrai, alors ?

— Oui, mon enfant, vous lisez votre petite pièce Une Amie, au comité des sociétaires, le 1er juillet, à trois heures.

— Mais je n’oserai jamais.

— Soyez tranquille, Got et moi nous serons là.

— Got ?

— Oui, Got, c’est à lui que vous devez cette fortune.

Edmond Got, au cours d’une visite, qui avait suivi la mienne de quelques jours, avait remarqué sur le bureau de son ami un drôle de petit manuscrit, illustré de croquis à la plume, et, par curiosité professionnelle, il l’avait ouvert et feuilleté.

— Tiens, des vers de théâtre ! s’était-il écrié, qui a fait ça ?

— Un de mes élèves.

— Tu as lu son cahier de deux sous ?

— Sans doute, il me l’a signalé par le lege, quœso, qui appelle l’attention spéciale des professeurs.