On y allait encore en patache, du moins d’Orsay, point terminus alors du chemin de fer de Sceaux. Cette patache a été l’une des joies de ma jeunesse et souvent encore je m’y revois en rêve, grimpé sur l’impériale, la pipe au bec et l’âme en fleur, courant à la bonne vieille aïeule qui m’aimait…
À cause de ma connaissance du pays, j’avais été chargé du soin de prendre Théophile Gautier, à Neuilly, et de le guider à travers les difficultés du voyage. À l’heure voulue, je me présentai donc à sa maison de la rue de Longchamp et, pendant qu’il achevait sa toilette, je fus reçu par sa fille cadette, Mlle Estelle Gautier, déjà prête à partir et à l’accompagner, car le poète ne s’en séparait plus et elle était comme son Antigone.
— Où allons-nous ? me dit-il en s’asseyant dans la calèche.
— En Hurepoix, fis-je d’une voix romantique, et j’ajoutai : Laissez-vous faire.
Je l’avais conquis tout de suite par ce début mil huit cent trente.
— En Hurepoix ? Va pour le Hurepoix ! J’ai couru le monde, je possède l’Europe, l’Afrique et l’Asie, et je n’ai pas vu le Hurepoix. Allons en Hurepoix !
Jusqu’à Orsay, le parcours de la ligne serpentueuse du railway le divertit extrêmement. Le train formé de wagonnets à jour, en tapissières, avait l’air de valser dans la campagne.
— Il est de la noce, riait le poète. Ce Hurepoix est charmant. L’ingénieur de cette voie ferrée devait être un chorégraphe, mon vieil ami Petipa peut-être ?
Et comme je lui faisais remarquer qu’elle menait à Robinson :