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deux fois terrible, et pour cet ami, et pour le chirurgien. Je me domptais pourtant, car là est la vertu professionnelle, et l’outil au poing, je guettais l’instant propice où la fatigue me le livrerait. Ce fut lui qui lassa mes aides. Trempés de sueur, ils renoncèrent à la lutte, et je dus courir chercher des internes à ma clinique.

« Lorsque, vingt minutes plus tard, et trop tard, je revins en force, avec quatre de mes élèves exercés à nos duels contre la mort, il ne me restait plus, du bon et charmant compagnon de ma jeunesse et de toute ma vie, qu’un cadavre défiguré. Profitant de ma courte absence, il s’était traîné jusqu’à sa table, et, y reprenant le revolver, il s’était criblé, mitraillé, frénétiquement, des cinq balles qui y restaient. Voilà comment, sourit tristement le docteur en reprenant la lettre, Marécat n’a jamais su ce que la comtesse du feuilleton allait faire dans la caverne !…

— Mais la raison du suicide ?

— Je ne vous l’ai donc pas dite ? Eh bien, voici. A ma rentrée chez moi, ici même, dans ce cabinet, je trouvai Suzanne, ma femme, qui m’y attendait, comme écrasée d’angoisse.

« — Eh bien, me dit-elle sans se lever, il est mort, n’est-ce pas ?