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le petit Orso, n’a que six mois à peine. Peut-elle attendre qu’il ait l’âge requis de ramasser la carabine des Gravona ? Vingt et un ans, c’est trop long pour Thérésa Brandi, une fière fille, une vraie Corse, et de la tête aux pieds. Du reste, ne craignez rien, Giuseppe ne laissera pas brûler Sartène, il va sortir.

La porte s’ouvrit, en effet, et il y parut une vieille, qui, les bras étendus comme une aveugle, s’avança sur le perron en terrasse.

— Si c’est à moi que tu as à parler, clama-t-elle en patois corse, je t’écoute. Si c’est à mon fils, il n’est pas chez lui, et tu sais pourquoi.

— Comment mens-tu, à ton âge, femme sans yeux ? Je l’ai vu de ma fenêtre, assis à tes genoux, et tenant l’écheveau de ton rouet.

— Il est vrai qu’il y est venu. Il était affamé et rompu de fatigue. Je lui ai fait une soupe, il a dormi deux heures dans un lit et il est reparti après avoir embrassé sa mère. Du reste, entre et cherche toi-même. Voici les clefs.

Et elle lui en jeta le trousseau.

Thérésa revint à ses parents et cousins, et elle les consulta. L’un d’eux, un berger du Niolo, couvert de son « pelone » en poils de chèvre et qui semblait fort écouté des autres, fit trois pas en avant et dit à voix haute :