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Alors l’horreur régna. La petite nef glaciale sombrait dans l’ombre, comme un vaisseau qui coule bas avec ses naufragés. L’un d’eux, le tailleur borgne et tordu, réclama de la clarté :

— Qu’on allume les cierges de l’autel, pour se reconnaître.

— Non, objecta l’un des métayers, pour ce qu’on a à faire, inutile d’y voir.

Mais qu’avait-on à faire ? L’apparition de la lune dans un vitrail les mit d’accord, elle les baigna d’une lueur terne où ils semblaient des ours blancs au pôle. Machinalement, chacun avait repris à son banc la place dominicale. L’idiot, juché sur le bénitier, riait, les doigts dans le nez, les jambes pendantes.

Les trois vieux causaient, assez calmes d’apparence. Pour l’octogénaire, c’était le garde-chasse du château qui avait abattu l’officier. Il devrait donc se livrer, mais où était-il à cette heure ?

— Bien loin, pour sûr, comme tous les capons, qui, leur coup fait, s’enfuient et laissent les autres payer pour eux !

L’hémiplégique s’offrit à le dénoncer au capitaine, il le prenait sur lui.

— Pour le temps qui me reste à vivre !…

— Ah ! taisez-vous ! leur jeta le curé, tremblant de honte.