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« Ta femme te trompe…. Un ami. »

C’était la bonne vieille lettre anonyme, dans toute la couardise de sa stupidité. Comme l’adresse, elle était typographiée ; et même, à y regarder de plus près, composée de mots découpés dans quelque périodique et collés à la suite avec un art remarquable. Il reprit l’enveloppe, c’était de même. Un timbre y fleurissait sa politesse.

— Dépenser dix centimes pour ça, quel luxe ! monologua-t-il gaiement, et il flanqua le poulet dans la corbeille à papiers.

Adèle trompait Charles, son Charles qu’elle adorait, et chaque jour de plus en plus, depuis leur mariage, au point que quelquefois cet amour, en constant renouveau de lui-même, lui faisait peur. Il en arrivait à y voir un présage de mort.

La nuit suivante, ils ne s’embrassèrent point. Adèle, un peu boudeuse, mais non inquiète, s’était endormie chattement sur l’épaule du cher bien-aimé. Quand il la sentit envolée au pays du rêve, il se laissa glisser du lit, et nu-pieds, comme larron nocturne, sans se rendre compte de l’inconséquence d’un pareil mystère, il souleva la tenture de son cabinet, en poussa la porte, et se dirigea à tâtons vers la