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bien, mon Pétrus ; tu es là, derrière l’abat-jour de la lampe. Donne-moi ton petit miroir. Il est au mur de l’atelier. Tu ne veux pas ? Je suis donc devenue un monstre ?

Il se leva, glacé de sueur froide, et, d’un tour de main rapide, il éteignit la lampe.

— Tiens, il n’y a plus d’essence dans la torchère, s’écria-t-il en éclatant de rire, elle est bien bonne !

Et, se penchant sur elle, il l’embrassa sur ces tristes yeux à peine dessillés, comme on embrasse une morte, puis il la berça doucement, tout doucement, avec des chuchotements d’amour, entre ses bras puissants de manieur de terre, jusqu’à ce qu’elle fût bien endormie. Alors, il prit le collyre et le jeta dans les tilleuls, par la baie de l’atelier. Puis, avec son chapeau et son gourdin, il s’en alla heurter à la porte d’un peintre voisin, qui était Corse, et dont il aimait le caractère rebelle aux compromis de la société « continentale ».

Quand ils revinrent, à l’aube, Marina n’avait plus besoin du miroir, étant aveugle.

Deux ou trois jours après, dans les feuilles, une nouvelle diverse relevait, entre autres suicides, celui d’un charcutier du sixième arrondissement, dont on avait retrouvé le cadavre dans