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le collyre, mais vous devriez, et ce serait plus sage, me la laisser transporter à mon hôpital, j’y veillerais de plus près au pansement. Une absence d’un quart d’heure, un assoupissement sur votre fauteuil de garde-malade, une distraction suffiraient à achever l’œuvre de destruction du visage. Elle serait aveugle à jamais.

— Allez me chercher le collyre, dit Pétrus.

Pendant les trois premiers jours, doublés de leurs nuits, le sculpteur, assis ou debout, ne quitta pas une seconde Marina, même du regard. L’interne lui avait tracé minutieusement la ligne thérapeutique à suivre, et il venait à chaque instant s’assurer de la bonne marche du traitement.

— Ma foi, déclarait-il en lui serrant la main, vous êtes un infirmier admirable ! A quel moment pâturez-vous ?

— Je ne sais pas, souriait l’artiste. On m’entonne de la bouillie, comme aux gosses. Les camarades de la villa ! Mais il n’y a plus d’heures, ni de matin, ni de soir. Elle verra, n’est-ce pas ?

— Je l’espère. Surveillez bien, cette nuit encore. Ça va. Bravo. Voulez-vous que je vienne vous relayer ?

— Merci, non. A demain.