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batailles d’ailes ou de becs. Un radeau, vert de graminées, y flotte et se déplace, et c’est sur le pont rustique qui la traverse que, le soir, au soleil tombant, la mère Eyrnaud préside à la rentrée de ses vaches. Les enfants qui les mènent, avec des baguettes de coudrier, ont l’air de les pousser avec des rayons.

Puis, c’est le tour des chevaux, reconduits à l’écurie par les gars de la fermière. Elle les voit venir, blancs sur le vert bruni des sentes, écartant du garrot les éventails des fougères, et quand ils ont bu au « dormoir », chacun à leur tour, elle est contente et s’en va à la soupe.

Au loin, l’orchestre de la mer enfle ses rumeurs, et les lignes violettes des bois tremblent à l’horizon.

La mère Eyrnaud a sept enfants. Elle les a tous allaités, élevés et gardés. Elle les aime profondément. Ils l’aiment également.

— Ah vère dam, oui, par exemple !

Et, cependant, elle est toujours triste.

Nul ne peut se vanter de l’avoir vue une seule fois rire ou chanter au rouet, et non seulement depuis la mort d’Eyrnaud, mais même auparavant. Une ride, creuse comme une ornière, lui fait deux fronts sous un seul bonnet.