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L’homme ne pardonne pas à la beauté libre.

Lutz le tenait entre ses doigts maigres, et il était content. Une dernière ruse, le scarabée la tenta : il fit le mort. Pauvre ruse de bête ! Le naturaliste prit dans sa boîte une épingle, longue, longue comme une lance, et la lui enfonça dans l’aile gauche, et le satin de l’aile craqua. Ainsi transpercé d’outre en outre, le Mirobolans fut fixé sur le liège. D’abord il ne remua pas, dans l’étonnement de sa douleur. Et puis voilà que tout son pauvre petit corps d’émeraude et d’or frémit ; il agita les pattes en une convulsion, et on sentit que s’il avait eu une voix, il aurait poussé un cri épouvantable.

Il balançait la tête de bas en haut, comme pour s’élancer, et il cherchait un point d’appui pour s’arracher de la lance. Mais partout l’air, rien que l’air, l’air tout à l’heure encore sa joie et sa vie, mais à présent l’air traître et complice, l’air élastique et sans prise.

Et dans cet air, l’odeur méphitique du camphre qui montait et l’asphyxiait et l’empoisonnait lentement…. Wilfried s’était levé : il était très pâle. Il marchait vers Lutz, accroupi sous le mur blanc. Tout proche du scarabée et presque à sa portée, les rebords de la boîte