Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/143

Cette page n’a pas encore été corrigée

tu fais des sonnets, où d’ailleurs tu m’imites ; j’en ai de ton encre, je les apporterai la semaine prochaine, je les lirai moi-même, et nous irons ensemble nous couper la gorge, au clair de lune, sous les arcades !

« — Et moi, ajouta M. Monpou, je les musiquerai sur ce piano même et j’irai les bramer sur vos deux tombes.

« Mais mon Pétrarque tenait bon, et je voyais s’avancer l’heure où, prise à mon propre piège, il me faudrait solder le prix de mon triomphe sur la muse.

« Il est bien entendu, lui disais-je, que vous n’avez pas conservé le brouillon et que après comme avant il sera lettre morte, même pour la postérité.

« — Soit ! soupirait-il. Mérite-t-il d’ailleurs de nous survivre ?

« — Il le mérite, et c’est pour cela que mon intention est de le brûler.

« — Quoi ! le brûler, madame ! Oh ! jusque-là ?

« — Ne le sais-je point par cœur, et vous aussi ? Cela suffit, point d’autre public, c’est mon sonnet !

« — Et l’autographe ?

« — Vous m’y faites songer, l’autographe, c’est une preuve !