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jeunesse, je me surprends à penser que si, au lieu de l’écrire, il l’eût parlé, je ne m’en serais pas tirée sans y laisser quelque chose au diable.

« Ce fut à force de le relire que le moyen me vint, soufflé par le dieu des maris peut-être, de vaincre le trouble où il me jetait, et ce moyen était de prendre le sonnet, dans sa teneur même, au pied de la lettre, voici comme.

« Le samedi suivant, je le priai de s’asseoir à mes côtés et, tandis qu’accompagnée au piano par M. Monpou, une charmante Italienne, à qui M. de Musset tournait les pages, soupirait : Plaisir d’amour, de Martini, je lui tins, sous l’éventail, ce langage :

« — J’ai reçu, j’ai lu, vous m’aimez, ce n’est pas douteux, mais….

« — Mais ?

« — Mais je ne crois pas au secret douloureusement éternel qui, de votre beau sonnet, est le thème.

« — Pourquoi, madame ?

« — Toute femme aimée par un poète a pour rivale la muse avec qui il cohabite, et cette rivale le paie d’un bien qui lui est plus cher que l’amour.

« — Quel bien ?