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Son prieur s’appelait Thierry de Matonville. Il était bon helléniste et meilleur latiniste, et la théologie n’y perdait rien d’ailleurs, car c’était le temps béni où l’on menait de front et de concert l’étude d’Aristote et de saint Augustin sans qu’ils se nuisissent l’un à l’autre. Nul ne doutait, dès le vivant du saint homme, qu’il ne fût marqué d’avance du sceau du Christ et qu’une bonne place ne l’attendit au paradis. Il avait d’ores et déjà son compte de miracles, si l’on tenait normalement pour tels les splendides copies — codices manu scripti — qui sortaient du monastère pour enrichir les « librairies » des rois, des princes, des évêques et des belles châtelaines aux aumônières d’or brodées.

Il y employait sept moines calligraphes, triés sur le volet entre les meilleurs « peintres de mots » du royaume de France. Comme ils ne signaient pas leurs chefs-d’œuvre à cause des règles de l’humilité claustrale, leurs noms sont aussi ignorés que ceux des ciseleurs de cathédrales. On sait seulement que l’un des sept était un certain Orderic qui, avant — et après — sa résurrection, fut la gloire du « babuinage ».

Je n’oserais jurer que ce vieux terme technique de « babuinage » vous soit très familier. Il embrasse tous les travaux divers de l’art