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ments des phénomènes célestes : ils leur sont identiques en nature, et ils tirent comme eux leur origine du ciel.

La chose va de soi pour les eaux. Mais la croyance à l’identité du feu terrestre et de celui qui s’allume dans l’orage, sous la forme de l’éclair, ou encore de celui qui apparaît tous les matins à l’orient sous la forme du soleil, n’est pas moins solidement établie. C’est ce que prouvent de nombreux passages des hymnes. Le mythe de la descente du feu céleste sur la terre est même commun à tous les peuples indo-européens, comme I’a démontré M. Kuhn dans un livre qui passe à bon droit pour le vrai fondement des études de mythologie comparée. Die Herabkunft des Feuers und des Goettertranks[1]. Je ne crois pas d’ailleurs qu’il en faille chercher uniquement l’explication dans le phénomène terrible de la chute de la foudre. Le feu qu’on fait sortir du bois selon le rite antique du frottement des aranis y a été introduit par la pluie qui a fait croître ce bois, et il était contenu dans la pluie elle-même, comme il l’est toujours dans les eaux du ciel, soit qu’il s’y manifeste, soit qu’il y reste caché. Il y était mêlé comme le Soma l’est aux eaux terrestres et au lait dans la préparation du breuvage sacrée. Il y jouait le rôle de Soma céleste. En effet, et sur ce point les théories de M. Kuhn appellent, selon moi, une rectification importante, le Soma céleste n’est pas la pluie elle-même, mais l’élément igné renfermé dans la pluie. Les deux éléments, distincts sur la terre, du feu et du Soma, se confondent dans le ciel sous la forme de l’éclair. Ils se confondent également sous celle du soleil : car c’est seulement par une modification relativement tardive, quoiqu’elle soit déjà en germe dans le Rig-Veda, que le mythe primitif de Soma a été, comme tant d’autres mythes solaires ou météorologiques dans les diverses mythologies indo-européennes, transporté dans le ciel nocturne, et que le nom du breuvage sacré est devenu un nom de la lune.

La distinction du feu et du Soma s’opère sur la terre lorsqu’en tombant mêlés aux eaux de la pluie, ils s’introduisent avec elle dans des plantes différentes, pour sortir des unes en étincelles et des autres en gouttes de liqueur. L’argument décisif en faveur de l’identification du feu et du Soma est d’ailleurs, indépendamment des passages ou l’un et l’autre sont assimilées à l’éclair et au soleil, le rôle que le second

  1. M. Baudry en a donné une analyse, à laquelle il a ajouté des faits nouveaux, dans la Revue germanique, XIV, p. 353 et 535, XV, p. 5.