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nouvelle critique qu’on pourra m’adresser je ferai d’avance une réponse analogue. Je n’entends, ni retracer le développement historique de la religion védique d’après des hymnes dont la chronologie devra être déterminée uniquement par des raisons intrinsèques, et ne pourrait, selon moi, l’être que prématurément dans l’état actuel de l’exégèse philologique, ni me priver des lumières que peut apporter à cette exégèse la comparaison de passages empruntés à des hymnes d’époques peut-être fort différentes. L’ensemble de ces comparaisons aura précisément pour résultat de prouver qu’il n’y a pas eu entre les plus anciens et les plus modernes des hymnes du Rig-Veda, quels que soient ceux qui doivent être effectivement rangés dans l’une ou dans l’autre de ces deux catégories, une transformation telle de la religion védique, que les hymnes les plus modernes ne puissent plus servir de commentaire aux plus anciens. Tout au plus peut-on dire que quelquefois ceux-ci contiennent seulement le germe dont ceux-là nous montrent le complet développement.

C’est en cet état de développement complet, et comme un système achevé de toutes pièces, que la religion védique est présentée dans mon livre. A-t-elle eu, en effet, cette forme complète et achevée à un moment donné de son existence, et dans la conscience de l’un quelconque de ses ministres ? Je n’avance rien de tel, et c’est à un tout autre point de vue que je me place pour justifier la systématisation qui est, je le répète, l’esprit de mon travail. On ne conteste pas au critique d’une œuvre littéraire ou d’une œuvre d’art le droit de rechercher les lois que la pensée de l’écrivain ou de l’artiste a suivies, d’une manière plus ou moins consciente, dans la conception et dans l’exécution de son ouvrage. On ne peut davantage, ce me semble, contester au mythologue le droit de rechercher les lois qu’a suivies également d’une manière plus ou moins consciente la pensée des créateurs et des premiers interprètes d’une mythologie. L’ordre que j’adopte pour le classement des idées védiques est dans ces idées mêmes, s’il n’a pas été, du moins avec le degré de perfection et d’achèvement qu’il présente ici, dans l’esprit des auteurs des hymnes. Plus tard viendra le temps, et je ne renonce pas à contribuer un jour pour ma part à cette œuvre, de chercher à restituer l’ordre historique du développement de la religion védique. Mais il faut avant tout s’entendre sur le caractère essentiel qu’a présenté cette religion dès son ori-