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grand soleil du polygone répugne à mes goûts efféminés. Non, monsieur Anselme, je ne suis pas trésorier parce que je sais mieux manier une plume qu’une épée… : cela, je pourrais vous le prouver au besoin. Je suis trésorier, messieurs, parce que j’ai à remplir une lourde et sérieuse tâche qui me fait désirer, pendant quelques années, une vie relativement immobilisée ; je suis trésorier, parce que j’avoue être pauvre et avoir très-prosaïquement besoin des appointements supérieurs attachés aux fonctions que j’occupe, pour m’aider à accomplir un devoir que je considère comme sacré et sur lequel je n’ai pas à m’expliquer davantage.

Un silence profond suivit cette déclaration étrange, humble et fière à la fois, rare dans les coutumes militaires où l’on supporte la pauvreté sans l’avouer, mais qu’un cachet de loyauté indicible rendait respectable.

Les officiers se regardèrent, interdits, sentant le mérite de cette parole claire et sans emphase, un peu honteux déjà de leurs jugements téméraires, regrettant leurs médisances et hésitant à les désavouer.