Page:Bera - Double Histoire - Histoire d un fait divers.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non-seulement pour satisfaire toutes mes fantaisies, mais, en outre, pour que ma supériorité fut bien constatée. La pensée de mon père était devenue la mienne : être le premier me paraissait un engagement d’honneur vis-à vis de ma dignité, et tout échec dans cette poursuite une honte insupportable. Il me semblait que le monde attendait cela de moi.

« Cette idée, il faut le dire, avait bien sa raison d’être dans les remarques, favorables ou défavorables, que j’entendais faire continuellement sur tous ceux qui composaient notre société, où la préoccupation générale semblait être bien moins l’échange sympathique des idées et des sentiments que le classement de chacun suivant ses mérites. Il s’ensuivait un incessant travail d’épluchage des qualités et des faiblesses de chacun, par lequel la vanité, sans cesse tenue en éveil, était fortement excitée. Deux ou trois personnages seulement, que l’éclat de leur fortune mettait à part du reste, imposaient silence à la critique et commandaient une complète admiration.