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vations. On plaignait les pauvres, on adorait les puissants, on recherchait les riches, on humiliait les petits. De toutes preuves, et avec la dernière évidence, m’était imposé ce fait que, pour jouir de la vie avec plénitude (il n’était pas question d’une ridicule simplicité), il me fallait dépasser, dans mon ascension vers le faîte des honneurs et de la fortune, le plus de concurrents possible, dussé-je écraser çà et là quelqu’un.

« C’était si clair, que tous mes camarades avaient là-dessus la même conception que moi. Nous étions six qui nous voyions fréquemment. L’un, qui se destinait à la marine, visait à être amiral ; un autre entendait bien devenir général ; un troisième rêvait les lauriers de l’Institut, et deux futurs avocats s’exerçaient déjà, l’un vis-à-vis de l’autre, à des luttes de paroles pleines d’acrimonie. Quant à moi, j’étais encore indécis sur ma vocation. J’avais seulement, comme tous les autres, celle de parvenir au plus haut degré possible de richesse et de considération.