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donna, l’enfant y perdit son âme, et son corps aussi. Je le vis bientôt plus pâle que lorsqu’il mangeait mon pain. Quand je le regardais, il baissait les yeux et ne répondait à mes questions qu’après avoir, d’un coup d’œil furtif, consulté le frère, qui nous écoutait. Un jour de sortie (il venait me voir tous les mois seulement, pendant quelques heures), j’eus tant de peine de le voir froid et embarrassé près de moi et de ne plus retrouver mon Jeannot, que je le pris dans mes bras et lui donnai plusieurs gros baisers où je mettais tout mon cœur et cherchais le sien. Mais il se dégagea et s’alla rasseoir sur sa chaise, et je ne pus m’empêcher de fondre en larmes en lui disant :

« Tu ne m’aimes donc plus ?

— Si, me dit-il, quoique toujours d’un ton gêné. Seulement les bons pères m’ont dit que c’était indécent de s’embrasser. »

Une idée pareille me rendit tout étonnée, et puis, ce fut ensuite comme un flot d’indignation qui me souleva, et je m’écriai :