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de nos ouvriers me répugnaient, et puis je me voyais si nécessaire aux enfants, que je ne me permettais de penser qu’à eux.

« Quand mon père me vit établie comme ouvrière, ayant des pratiques et travaillant presque jour et nuit, il pensa que je pouvais bien le nourrir de mon travail, et même lui donner de l’argent pour boire. Ce qu’il gagnait maintenant était peu de chose, et ses patrons l’eussent même renvoyé tout à fait s’ils avaient pu choisir ; mais les ouvriers raisonnables étant assez rares, on est forcé de s’accommoder souvent des plus mauvais ; aussi, quand, n’ayant plus d’argent, il se présentait à l’atelier sans être ivre, le plus souvent on le recevait, bien que de plus en plus sa main devint lourde et tremblante. Mon père donc me demanda de l’argent sous divers prétextes, et, sur mes refus, se mit en colère et me battit.

« Non, monsieur, on ne comprendra jamais l’horrible misère de pauvres enfants livrés à l’autorité absolue d’un être sans cœur et