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notre mère nous revenait, — si ce n’est que nous n’aimions pas à être débarbouillés, n’en ayant pas l’habitude ; — mais elle nous embrassait ensuite de si bon cœur ! et puis, c’était notre mère, et nous nous sentions tout réchauffés quand elle était là. Ce n’était pas pour se reposer, hélas ! qu’elle prenait son dimanche, car elle avait tant à laver, à coudre et à nettoyer, qu’elle restait tout le jour pliée sur l’ouvrage et ne se couchait souvent qu’à minuit et même plus tard, du moins quand elle avait pu acheter de l’huile. C’était une toute petite femme, si maigre et si pâle qu’on aurait dit sa figure transparente. Elle n’avait pas toujours été ainsi, m’a-t-on dit : avant son mariage, c’était une jolie jeune fille, fraîche et rosée ; mais moi, je l’ai toujours connue pâle, parce que déjà trop de travail et d’enfants l’avait tuée. Et pourtant, notre père avait encore le courage de la battre, les soirs où il rentrait ivre.

« Quand j’entendais cette pauvre mère, épuisée, gémir sous les coups, je me sentais