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de Sievers légèrement modifiées par Kaluza. Il y a cinq types principaux d’hémistiches métriques :

1) A D A D[1] : éthel sínne (Beowulf, v. 1960) ;

2) D A D A : this éllen-wéorc (id., v. 2643), qui comporte souvent une ou deux atones initiales non comptées dans la mesure, p. ex. : on swa hwáethere hónd (id., v. 686) ;

3) D A C D : on stéfn stígon (id., v. 212) ;

4) A A C D : gód gúthcyning (id., v. 2563) ;

5) A B D A : wéallinde wáeg (id., v. 2464).

C’est dire que pour l’oreille moderne le rythme descendant du trochée ou du dactyle accentuel prévaut dans le vers anglo-saxon. Mais au point de vue de la date de l’épopée, il importe surtout de remarquer la régularité du mètre qui a fait du Beowulf pour les théoriciens, le modèle et la norme du système allitératif. Car cette régularité même est archaïque, puisqu’une mesure populaire ne s’écarte de sa loi fondamentale qu’après un certain laps de temps. En outre, Sievers a établi que des considérations de métrique exigent en maint endroit le rétablissement dans le texte actuel de formes grammaticales non contractées, telles que doan pour don, doith pour deth, sendeth pour sendth, ce qui nous ramène encore aux origines de la langue. Ainsi l’existence d’une versification autochthone (attendu que ce mètre épique diffère sous plusieurs rapports du vers nordique dont on a voulu le rapprocher) et la correction de son emploi confirment les nombreux témoignages qui nous obligent à reculer fort loin dans le passé l'apparition de la première chanson de geste anglaise.

Une autre caractéristique du Beowulf a frappé les érudits qui se sont occupés de la critique du texte. C’est le fait de l’unité fondamentale que l’on note à travers toute l’étendue du poème. Sarrazin observe que dans les deux principales divisions (du vers 1 à 2200 et du vers 2200 à la fin) les termes essentiels du vocabulaire et les usages grammaticaux demeurent les mêmes et suivent les mêmes lois. Il y a homogénéité parfaite, que l’on étudie les discours prêtés aux personnages de marque, le corps de la narration ou les épisodes qui l’agrémentent. M. Clark Hall[2] a montré également que beaucoup de mots étrangers au reste de la littérature poétique du vieil anglais, mais fréquents dans le Beowulf, se retrouvent dans l’une comme dans l’autre moitié. Il relève par exemple des substantifs tels que hringnet, la cotte de mailles (v. 1889 et 2754), waelraes, l’assaut mortel (v. 824, 2101, 2531, 2947), fethecempa, le fantassin (v. 1544 et 2853), des adjectifs comme eotonisc, gigan-

  1. Une tonique forte et longue est marquée A, une tonique plus faible B, une syllabe douteuse C et une atone brève D.
  2. Beowulf and the Finnsburg Fragment by J. R. Clark Hall, London, 1911.