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roi. Très affligé de cette perte, Hrothgar mande en hâte Beowulf, qui s’engage à poursuivre l’ogresse dans sa retraite. Danois et Géates réunis l’accompagnent jusqu’au bord du golfe ombragé d’arbres sinistres et hanté de bêtes étranges, qui sert de refuge aux monstres. Beowulf fait ses dernières recommandations pour le cas où il ne reviendrait plus et plonge résolument au fond du gouffre. Son armure le protège contre mainte attaque sournoise, mais son adversaire s’avance au devant de lui et l’entraîne dans une caverne sous-marine, dont le sol est à sec hors de portée des vagues. Pendant le duel qui s’engage, son épée lui refuse tout service et il va succomber, quand il parvient à saisir un vieux glaive magique suspendu au mur et grâce auquel il abat son ennemie. Avant de rejoindre les siens, il aperçoit près de lui le cadavre de Grendel dont il tranche la tête pour l’emporter en guise de trophée. Puis il remonte à la surface de l’eau. Seuls, les preux géates, confiants en sa victoire, l’ont attendu. Ils l’escortent derechef à la capitale, où Hrothgar fait une réception magnifique au héros qu’il récompense libéralement et félicite en public. Beowulf prend congé de lui pour rentrer dans son pays. Son oncle Hygelac l’y accueille avec joie, et il lui raconte en détail ses exploits.

Nous sommes ici à un nouveau tournant de l'histoire. En quelques vers le poète nous apprend la mort du roi Hygelac au cours d’une expédition malheureuse contre les Frisons, l’avènement au trône de son fils Heardred qui, peu après, périt à son tour en combattant une invasion venue de la Suède, et l’arrivée au pouvoir de Beowulf. Celui-ci, honoré et craint de tous, règne depuis un demi-siècle, lorsqu’un événement imprévu se produit. Non loin de la résidence royale un esclave fugitif découvre un trésor amassé par des preux d’une époque lointaine et que garde un dragon. Il en dérobe une coupe précieuse qu’il porte à son seigneur pour obtenir son pardon. Furieux de ce vol, le dragon dévaste toute la contrée. Beowulf, muni d’un bouclier en fer, se dispose à livrer combat au monstre. Mais onze guerriers de sa suite l’abandonnent lâchement et seul le douzième, son jeune parent Wiglaf, reste à ses côtés. Les deux champions abattent le reptile, mais auparavant, de ses dents venimeuses, il a blessé à mort le roi. Celui-ci, sentant que sa fin approche, rappelle tristement ses souvenirs de jeunesse et demande qu’on étale sous ses yeux le trésor qu'il a conquis et qu'il devra payer de sa vie. Puis il remet son collier à Wiglaf en ajoutant qu’il veut être enterré au sommet d’un promontoire d’où son tertre funéraire servira de point de repère aux marins. Après un dernier adieu, il meurt. Le chef ami qui le veille prive de leurs droits héréditaires les vassaux poltrons qui ont fui à l’heure du danger et fait exécuter les ordres du maître disparu. Enfin, un héraut annonce au peuple la pénible nouvelle en exprimant ses appréhensions au sujet d’une attaque de la part des Francs ou des Suédois, et Wiglaf préside aux obsèques solennelles du héros national.