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leine et les navigateurs, en conduisant leur esquifs au loin sur les ténèbres de la mer, l’appelleront plus tard le rocher4 de Beowulf. »

Le héros retira l’anneau d’or qui entourait son cou et le donna, avec son casque et sa cotte de mailles, à Wiglaf, à qui il recommanda d’en bien jouir :

« Tu es le dernier de notre race, le seul survivant des Wægmundingas ; le sort a fait périr tous mes parents et moi à mon tour je vais les rejoindre ! »

Ce furent les dernières paroles de Beowulf : son âme sortit de sa poitrine5 et alla trouver la gloire éternelle.

XXXIX

Wiglaf contempla alors Beowulf étendu sans vie sur le sol ; son meurtrier le dragon gisait à côté de lui : il ne devait plus garder le trésor des bracelets, car il avait été exterminé par les épées et s’était affaissé, couvert de blessures, sur le sol de la caverne. — Beowulf avait payé de sa vie la possession des trésors ; les deux adversaires avaient atteint le terme de cette vie terrestre.

Les lâches compagnons de Beowulf ne tardèrent pas à quitter le bois dans lequel ils s’étaient réfugiés ; ils vinrent tout honteux à l’endroit où gisait Beowulf et ils regardèrent Wiglaf. Celui-ci était assis près du roi qu’il humectait d’eau : peine inutile ; il ne pouvait, malgré son désir, retenir la vie de Beowulf ni changer l’ordre du Tout-Puissant ; alors, comme de nos jours, Dieu voulait gouverner tous les hommes par des actes. Une apostrophe sévère envers ceux qui avaient forfait à l’honneur n’eut pas de peine à sortir des lèvres du jeune homme. Wiglaf, fils de Weohstan, l’esprit accablé de chagrin, dit ces paroles en regardant les lâches :

« Celui qui veut parler d’une manière véridique peut bien dire que le roi qui vous donna les parures que vous