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« Ne peux-tu reconnaître, ô mon prince, l’épée que porta ton père dans son dernier combat quand les Danois le tuèrent et prirent possession du champ de carnage (cette défaite n’a pas été vengée !)? Maintenant l’un des fils de ces assassins parcourt la salle fier de sa parure, tire gloire du meurtre et porte les objets qui devraient en justice t’appartenir. »

« C’est ainsi qu’il l’exhorte sans cesse par de violents discours jusqu’au moment où le serviteur de son épouse expie par un coup mortel les actes de Hrothgar. L’auteur du meurtre s’échappe vivant1 (il connaissait bien le pays.) Après cet acte les serments des nobles sont rompus ; une haine mortelle agite Ingeld et, par suite, l’amour qu’il portait à son épouse se refroidit. C’est pourquoi je ne crois pas qu’une paix solide unisse les Heathobeard et les Danois.

« Je parlerai encore de Grendel afin que tu saches au juste l’issue du combat des guerriers. — Après que le soleil eut glissé sur les plaines, l’esprit de la nuit courroucé vint nous rendre visite dans la salle. Son attaque fut fatale à Hondscio qui était le plus avancé des guerriers : Grendel fut le meurtrier de ce brave et dévora entièrement son corps. Cependant il ne voulut pas quitter la salle les mains vides ; il vint m’éprouver et me saisit soudain avec sa griffe, un large gant2 pendait le long de son corps ; ce gant était l’œuvre des diables ; il était formé de peaux de dragon. Grendel voulait me transpercer mais il ne le put, car je me levai en colère. Il serait trop long de dire comment je lui fis expier tous ses crimes ; ce fut alors, Hygelac, que j’honorai ton peuple par mes œuvres. Il s’échappa, mais pour mourir bientôt après ; toutefois, sa main droite garda sa trace dans Heort. Il alla, plein de tristesse, s’affaisser dans la mer. Hrothgar me donna en récompense de ce combat, pendant le festin du jour suivant, beaucoup d’objets précieux. Il y eut alors des chants et de la joie ; Hrothgar se faisait raconter des histoires et prenait lui-même plaisir à en dire ; parfois le vieux guer-