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de sa chair ; il eut bientôt dévoré entièrement les pieds et les mains du mort. Il s’avança davantage et saisit Beowulf qui se reposait ; celui-ci étendit la main contre Grendel et se fît un appui de son bras.

Grendel vit bientôt qu’il n’aurait pu trouver un poing plus vigoureux chez aucun homme. Il fut rempli de frayeur, mais il ne put s’échapper de ce lieu ; son esprit était prêt à la mort2 : il voulait fuir dans les ténèbres et chercher la compagnie des diables ; il ne retrouvait plus là son occupation d’autrefois. Le héros se rappela les paroles qu’il avait prononcées le soir ; il se dressa et saisit fortement Grendel. Les doigts de celui-ci craquèrent. Beowulf s’avança à sa rencontre. Le monstre se proposait, dès qu’il lui serait possible, de s’échapper dans ses marais ; il savait que son ennemi tenait paralysée la puissance de ses griffes. C’était un mauvais voyage que celui qu’il avait fait à Heort. La salle retentissait du bruit de la lutte. Tous les Danois trouvaient la bière pleine d’amertume3. Les combattants étaient tous les deux en colère. La salle résonnait, et c’était merveille qu’elle résistât aux efforts des lutteurs et ne s’écroulât pas ; mais elle était si bien retenue par des attaches de fer au dedans et au dehors qu’elle resta debout. J’ai ouï dire que beaucoup de bancs dorés avaient été arrachés de l’endroit où luttaient les ennemis. Les conseillers des Scyldingas n’auraient jamais pensé jadis que la salle eût pu être endommagée un jour dans un combat ; les flammes seules, selon eux, pouvaient exercer des ravages sur l’édifice. Un son étrange s’éleva ; tous les Danois du Nord qui entendirent les hurlements et les cris de douleur de Grendel4 furent remplis de terreur : c’est que Beowulf le tenait trop serré sous son étreinte.

XIII

Beowulf ne voulait pas laisser le monstre vivant, car il ne jugeait pas que son existence fut utile à aucun homme. Beaucoup d’hommes de la troupe de Beowulf prirent