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l’esprit malfaisant commença à s’éveiller : du sein de ses ténèbres il entendait avec impatience les bruits joyeux qui chaque jour s’élevaient de la salle. Le son de la harpe et le chant du poëte y retentissaient. Un homme instruit en ces matières racontait l’antique origine des mortels ; il disait que le Tout-Puissant avait créé la terre comme une belle plaine entourée par les eaux, qu’il avait posé le soleil et la lune comme des luminaires pour les habitants de la terre, qu’il avait revêtu les régions de la terre d’une parure de branches et de feuillages, qu’il avait aussi créé les êtres vivants de toute espèce10. — Les guerriers vécurent ainsi dans la joie jusqu’au moment où un esprit infernal commença à machiner des forfaits ; on l’appelait Grendel ; il habitait les marais et les lieux inaccessibles depuis que Dieu l’avait maudit. (Le Seigneur éternel vengea le meurtre d’Abel sur la race de Caïn : celui-ci n’eut pas lieu de se réjouir de la haine qu’il avait encourue, car Dieu le punit de son crime en le bannissant loin de l’humanité. C’est de lui que sont venues toutes les races pernicieuses, les géants, les elfes et les monstres marins11 lesquels combattirent longtemps contre Dieu, mais Dieu les servit selon leur mérite)12.

III

Après que la nuit fut venue Grendel alla visiter le haut édifice et voulut voir comment les Danois s’y étaient logés à l’issue du festin. À l’intérieur il trouva la compagnie des nobles qui se livrait au sommeil, libre de tout souci. Le démon avide fut bientôt prêt et enleva trente chevaliers au repos. Il partit ensuite, fier de son butin, pour se rendre dans sa demeure. À l’aurore du jour l’attaque de Grendel fut découverte : des clameurs et un grand bruit matinal se firent alors entendre. — Hrothgar était maintenant tout rempli de tristesse ; les soucis que lui causait le sort de ses chevaliers le tourmentait depuis que les traces de l’esprit infernal étaient apparues : cette guerre était trop terrible et trop longue. — La nuit suivante (et