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C’est en abordant des morceaux de ce genre que le traducteur se demande, non sans une certaine perplexité, s’il doit reproduire intégralement toutes les périphrases et tous les synonymes qui s’offrent à lui, ou s’il doit tout bonnement les supprimer. En adoptant le premier parti il rendra son texte plus conforme au modèle, mais en prenant le second il fera de sa version une œuvre plus intelligible et d’une lecture plus attrayante. Il s’agit de voir s’il peut se résoudre à adopter ce dernier parti sans manquer à son devoir de traducteur fidèle. Examinons en conséquence le vrai rôle des détails qui nous paraissent devoir être éliminés afin de rendre les phrases plus concises. Ces détails sont de trois genres : 1o périphrases ; 2o synonymes ; 3o mots composés. Il est évident que ces expressions : porter les casques, souffrir le chemin (pour aller), ouvrir le trésor des paroles (pour parler), donner des bracelets, avoir la puissance de sa parole, gouverner avec des paroles (pour régner), mettre dans le sein (pour donner en possession) n’ajoutent rien au récit et ne rendent pas la sentence plus intelligible. Il en est de même des innombrables mots composés, qui servent à rendre, en les amplifiant, les mots Dieu, mauvais esprit, roi, guerrier, homme, combat, bouclier, lance, casque, cotte de mailles, épée, salle, navire, trésor, mer, etc.[1] Peut-être, en remplaçant ces expressions ampoulées par des termes simples, sacrifie-t-on en partie l’originalité du poëme, mais en revanche on débarrasse la traduction d’artifices de composition complètement étrangers à notre style et on la rend aussi française que possible[2]. C’est ainsi qu’en interprétant les poètes latins ou grecs nous ne nous efforçons pas autant de conserver les tournures de leur style que de reproduire le fond de leur pensée avec le plus d’exactitude possible. Il est vrai qu’il y

  1. L’Edda renferme aussi un grand nombre de synonymes. Le mot roi à lui seul en compte une vingtaine.
  2. C’est ce qu’avait déjà senti Conybeare au commencement de ce siècle en publiant ses élégantes versions de plusieurs poëmes anglo-saxons.