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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

son adversaire ; elle serait vite déchirée… on la lui rogne…

— La dernière fois qu’il s’est battu, le pauvre Quimboi a eu le dessous, dit M. Desroseaux, nous avons cru le perdre. Blessé dans les muscles, il pouvait à peine marcher ; mais il attendait encore l’ennemi et, par un dernier effort, il lui a crevé les yeux en y enfonçant ses deux éperons. »

Yette frissonna de la tête aux pieds.

« Et celui-là, monsieur, celui-là ? » dit-elle en montrant un coq franc, couleur acajou foncé, la poitrine gris cendre tacheté d’orange, les panaches dorés, magnifique en somme, mais déplumé par places et malade évidemment, ou tout au moins très fatigué.

— Celui-là, c’est Jobinette (Croquemitaine), notre grand vainqueur. Cette semaine même on l’a conduit au pit, et il a, du premier coup, donné une gorge coupée à son adversaire, c’est-à-dire qu’il lui a coupé une veine qui a déterminé une hémorrhagie interne ; au second coup, il l’a renversé sur le dos. Le combat a duré trois quarts d’heure, l’ennemi est tombé onze fois et s’est toujours relevé après le délai de rigueur. C’était un héros, lui aussi. À la fin, Jobinette lui a fait sauter le cervelet ; il est sorti de là blessé en