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LE DÉPART.

prise à son adversaire. Dès qu’il se croit assez près, le rusé mesure sa distance, fait un bond, tombe sur le reptile comme la foudre, lui brise le col et le mange. S’il manque son élan, le serpent, au contraire, part comme un ressort, et lui, ne manque guère le manicou.

Les nègres apportèrent en triomphe leur capture à la petite maîtresse. En vain celle-ci intercéda-t-elle en sa faveur, il fut condamné à augmenter le déjeuner ; mais, soudain, cinq ou six petites queues, grosses comme celle d’une souris, sortirent de la poche qui leur servait de refuge. Le manicou était une femelle ; au premier indice du danger, un cri d’appel avait ramené la progéniture dans le sein maternel.

« Du moins, dit Yette, vous aurez bien soin de ceux-ci, vous les élèverez en caloge. Je ne les verrai pas grandir, ajouta-t-elle avec un soupir. Papa, recommandez à Cora de ne pas leur tirer la queue, comme elle fait trop souvent à ma chatte. Dites-lui de laisser tranquilles, si elle m’aime, ces jolis petits manicous. »

La caravane se reforma pour continuer le voyage. Le pays était devenu plat et uni ; les chevaux avançaient vite sur une assez bonne route, élevée de vingt à vingt-cinq pieds environ au-dessus