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LES ADIEUX.

ami. Je suis là pour l’attester, moi qui sais dans quel état déplorable feu votre père avait, au lendemain de l’abolition de l’esclavage, laissé la plantation dont vous avez, à force d’industrie, décuplé le produit.

— J’avais beaucoup à réparer, dit gravement M. de Lorme. Si mon père m’a laissé un médiocre héritage, j’ai d’abord, moi aussi, contribué à l’amoindrir par mon insouciance et mes folies, vous le savez bien ! Je ne pouvais résister au plaisir d’acheter pour moi un beau cheval américain ou un bijou pour ma femme ; j’aimais le jeu. La naissance des enfants m’a mis à la raison ; j’ai compris un peu tard que tout devait leur être sacrifié, je me suis occupé sérieusement moi-même de l’exploitation de ma propriété ; mais, pour renouveler mon outillage, pour me procurer un moulin puissant, des appareils de fabrication perfectionnés, pour acheter des animaux de travail en quantité suffisante, j’ai dû emprunter de grosses sommes, et c’est surtout la préoccupation d’en payer régulièrement l’intérêt, de me libérer sous quelques années et de laisser une situation nette, un bien-être réel à mes enfants qui me tourmente. Souvent, quand il faudrait adresser à Yette une réprimande utile, je