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L’HABITATION DU MACOUBA.

très doux, mais qui n’en eut pas moins pour Yette des conséquences déplorables, et d’abord la première douleur de sa vie, une douleur honteuse, inavouable ! La naissance de Cora en fut cause. Habituée à régner seule au logis et dans le cœur de ses parents, elle souffrit de voir l’affection de ces derniers se partager équitablement entre elle et la nouvelle venue, la da s’installer jour et nuit auprès du petit berceau qui semblait devenu le centre des intérêts de chacun, une autre puissance en un mot s’élever soudain à côté de la sienne. On la vit devenir triste, maigrir ; son visage s’altéra, elle fuyait le petit être qui, croyait-elle, accaparait les soins et l’amour de toute la maison ; elle ressentait contre lui une sorte de colère farouche. La mère clairvoyante comprit avant sa fille aînée ce qui se passait dans cette âme impérieuse, où un excès d’indulgence avait laissé l’égoïsme se développer en liberté. Elle fut navrée non seulement de la voir malheureuse, mais surtout d’être obligée de reconnaître que Yette était capable d’un mauvais sentiment. Jusque-là elle avait excusé ses caprices, ses violences, en se disant qu’elle n’avait aucun défaut sérieux ; il n’y avait pas à se le dissimuler pourtant : Yette était jalouse ! La mère n’essaya ni