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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

On est assis : « Titime ! commence le sphinx en madras. — Bois sec ! répondent les enfants assemblés. — Rougeaud dit à Noiraud : Tiens bon ! tiens fort ! Si tu défonces, je suis mort ! »

Il faut deviner que Rougeaud c’est le feu et Noiraud la marmite. Si la marmite se défonce, il est clair que le feu sera éteint par le liquide qui tombera dessus. Yette devinait des titimes bien autrement difficiles que celle-là, ce qui aurait suffi à lui faire la réputation d’une petite personne capable, si la chose n’eût pas été établie d’avance.

« Je ne suis pas bête, disait-elle à ses parents, puisque je devine toutes les titimes, et, quant à ce qu’on peut lire dans vos livres, je parie bien qu’il n’y a rien d’aussi beau que les contes de ma da. »

Les parents avaient eu le tort de rire trop longtemps de ce qu’ils appelaient ses drôleries, de se montrer trop indulgents en toute circonstance. Ils ne pouvaient oublier qu’ils avaient perdu plusieurs enfants, et tremblaient toujours pour ceux qui leur restaient, ménageant leur santé physique aux dépens même de leur santé morale. En outré, Yette était restée longtemps fille unique, et l’on sait que le malheur des enfants uniques est d’être souvent trop choyés, malheur