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LE BAL.

— La grâce !… que de cérémonies ! Si cela peut vous faire le moindre plaisir que je danse, je danserai, dût-on se moquer de moi.

— Cela me fera un très grand plaisir. »

Elle valsa donc dans sa robe noire, et valsa même très joliment, bien qu’elle n’eut pas la prétention de rivaliser avec Cora sous ce rapport ni sous aucun autre.

Jusque-là, personne n’avait remarqué sa toilette négligée, tant elle était restée à l’écart ; mais, quand elle se mêla aux danseuses, quelques petites sottes firent tout bas la réflexion qu’elle avait oublié de s’habiller.

« Ne voyez-vous pas, s’écria Héloïse Pichu avec une honnête indignation, qu’elle a tout donné à sa sœur sans rien réserver pour elle ? »

Un peu avant la fin du cotillon, Yette fit signe à Cora, qui ne la suivit qu’à regret, et toutes deux remontèrent dans leur paisible petit logis. La nuit était fort avancée, les bougies commençaient à s’éteindre, les fleurs à se faner, des lambeaux de gaze et de mousseline jonchaient le parquet ; mais l’infatigable Cora aurait volontiers sauté jusqu’au matin. Avant de se coucher, elle embrassa deux ou trois fois sa sœur sur les deux joues.

« Si tu savais ! répétait-elle, si tu savais la