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JOURNAL DE CORA.

Pour faire bien comprendre la différence qui existe entre un panseur consciencieux tel que Sainte-Cécile et le vulgaire sorcier, devineur, quimboiseur, comme on le nomme, je raconterai l’événement qui vient d’avoir lieu chez notre voisine, Mme Bellune.

On avait volé une bague dans la maison. Pour découvrir le coupable, Mme Bellune envoie chercher un fameux quimboiseur, Criquet. Criquet, consulté, déclare qu’il ne peut donner une solution immédiate, qu’il lui faut un peu de temps. Pour commencer, il s’installe commodément et déjeune avec les domestiques. En sortant de table, il appuie la main sur son estomac, et dit d’un ton pénétré : « Mi ion qui pris toujours » (en voilà toujours un de pris). Ces mystérieuses paroles émeuvent très vivement une partie de la domesticité, qui ne le perd pas de vue. Après le souper, plus copieux encore que le déjeuner, même manège : « Deux qui pris ! » Là-dessus il va paisiblement se coucher. Le lendemain matin, il rendait la bague et sa réputation de sorcier, d’homme qui fort, avait été affirmée par une merveille de plus. Mme Bellune sut depuis que la bague avait été volée par trois domestiques de la maison. Quand ils entendirent Criquet dire en sortant de