même côté déjà lourd. Papa voulait demander un médecin à Saint-Pierre, mais le blessé réclamait à grands cris Sainte-Cécile, le panseur nègre. Celui-ci est donc venu, et papa, qui craignait de se trouver en présence d’un de ces prétendus sorciers-guérisseurs dont il condamne le plus qu’il peut les pratiques superstitieuses, fut étonné de la dignité des allures de ce vieillard, qui traite les maladies des bêtes et des gens d’après les seules données de ses observations et de sa longue expérience. Il a la voix douce et lente, des façons polies, une démarche posée. Certainement il est pénétré de sa valeur personnelle, mais cette valeur est réelle ; on sent tout de suite que l’on n’a affaire ni à un sot ni à un charlatan. Le traitement fut très simple : quelques scarifications autour de la blessure, une compresse imbibée de jus de citron, force petits verres du même liquide et d’autres boissons destinées, celles-ci, à provoquer une transpiration violente. Malgré tout, l’état du malheureux Labataille parut d’abord empirer plutôt qu’il ne s’améliorait. Il fut paralysé du côté où il avait été piqué, et la gangrène envahit le pied, mais Sainte-Cécile ne se décourage pas. Il est resté un mois à la maison et n’a quitté son malade que guéri, nous laissant tous très convaincus de ses talents.
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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.