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AIDE-TOI, LE CIEL T’AIDERA.

Quand elle rentra au pensionnat, M. Mayer donnait la leçon de musique.

M. Mayer passait pour avoir un grand talent, et, bien qu’il eût trente ans à peine, était déjà célèbre. Il ne restait que par reconnaissance professeur de musique chez Mlle Aubry qui, disait-on, lui avait rendu service lors de ses débuts à Paris, des débuts singulièrement rudes dont il parlait pour sa part avec une certaine fierté. Le petit Mayer, comme on l’appelait alors, était arrivé, quinze ans auparavant, d’un village d’Alsace, à pied, toutes ses hardes nouées au bout d’un bâton blanc et son violon sous le bras. Il était maintenant connu non seulement comme virtuose, mais comme compositeur.

Les vieux peintres allemands ont peint des visages dans le genre du sien, austères, fins et naïfs à la fois. Quand une gaieté d’enfant, facilement excitée chez lui par des riens, entr’ouvrait, sous la barbe dorée qui la cachait d’ordinaire, sa grande bouche franche et laissait voir ainsi des dents comparables à deux rangées de perles, quand une innocente malice creusait dans ses joues maigres je ne sais quelles fossettes bizarres, M. Franz Mayer devenait charmant. Mais personne parmi ses élèves n’avait jamais songé à le considérer

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