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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

à regarder quelquefois, car elle aimait la parure comme presque toutes les petites filles ; mais, plus turbulente que coquette, elle leur préférait les gaules qu’elle pouvait déchirer à sa guise. Dès l’aube, la famille était levée pour profiter des heures fraîches. On se réunissait dans cette galerie qui, étant le seul passage pour entrer et sortir, est par conséquent le théâtre d’un va-et-vient, d’un mouvement continuel ; on y prenait le café. Souvent Yette était assez matinale pour assister au départ de l’atelier, comme on nomme la réunion des travailleurs d’une habitation. L’atelier s’en va aux champs en une seule troupe bien rangée ; arrivé sur le lieu du travail, il se met à l’œuvre au son d’un tambour de construction toute particulière. C’est un petit quartaut dont le bout est fermé par une peau de cabri bien tendue, sur laquelle on frappe avec les mains, le joueur de tambour étant à cheval sur son instrument couché. Chaque commandeur nègre, à la tête de sa division d’atelier, a d’ordinaire une dame-jeanne de tafia à sa disposition, et le labourage, plus ou moins mal fait, marche bon train, grâce au tafia et au tambour.

Après le bain, pris dans une rivière rapide pareille à un gave et que préservait des rayons