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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

doit avant de se permettre le grand plaisir de donner.

« C’est une digne personne que cette Mme Pichu, malgré son extérieur commun. On a tort décidément de juger les gens sur la mine ! J’ai cru Mlle Aubry si méchante autrefois, et elle est la bonté même. Tout le monde est bon, je crois, si l’on sait seulement regarder sous l’écorce.

— Mais, Yette, dit Mlle Polymnie qui avait écouté d’un air piteux, avec tout cela vous n’aurez plus un instant de récréation ?…

— Est-ce qu’une grande fille comme moi en a besoin ? Oh ! je devrai renoncer aussi aux arts d’agrément qui coûtent trop cher. Ce n’est pas un grand sacrifice, car je n’y mordais pas… Pauvre monsieur Mayer ! lui ai-je donné de la peine ! Et, avant lui, à ce vieux professeur si ennuyeux qui est bien un peu coupable, quand j’y pense, de m’avoir fait prendre le piano en grippe…

— Mais, Yette, reprit Polymnie sur le visage de laquelle se combattaient la stupeur et je ne sais quelle perplexité, comme si pour la première fois elle eût entrevu des choses dont elle ne s’était jamais doutée, mais, Yette, vous allez être l’esclave de toutes ces petites filles…

— Leur maîtresse, voulez-vous dire ? répliqua