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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

prétend n’être à la charge de personne. Est-ce cela, mon enfant ? »

Yette rougit de nouveau et répondit en fixant sur lui des yeux où brillait la reconnaissance dont Mme Darcey avait si gratuitement prétendu qu’elle était incapable :

« Oui, monsieur.

— Eh bien ! vous touchez justement à un sujet que je comptais tôt ou tard aborder avec vous. Ma chère Éliette, vous n’êtes plus une enfant ; il y a en vous, je crois, l’étoffe d’une femme très raisonnable et très vaillante. Je peux donc vous le dire, votre père, qui passait pour riche la veille de sa mort…

— Était en réalité ruiné, interrompit Yette.

— Vous saviez cela ?

— Je l’ai su tout de suite par un mot de ma sœur qui depuis a oublié, pauvre petite, ce mot qu’elle avait prononcé au hasard sans le comprendre. Est-ce une ruine complète, absolue ?…

— À peu près. Il s’est ruiné en voulant augmenter la fortune de ses enfants. S’il avait vécu, vous eussiez été riches tôt ou tard, en dépit des événements qui paralysaient ses entreprises.

— Oh ! s’écria-t-elle, j’étais sûre qu’il ne pouvait y avoir de sa faute, pauvre père ! Mais