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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

qui n’était pas pour vous, s’écria-t-elle avec audace.

— C’est une indiscrétion répréhensible en général, dit Mlle Aubry sans se départir de son calme irritant ; mais la règle du pensionnat m’accorde, pour votre sûreté à toutes, ce droit que vous voudriez me contester et qui ne m’a pas conduite, il faut le reconnaître, à des découvertes bien agréables. Votre lettre ne m’a rien appris, mademoiselle de Lorme, sinon que ma maison était un enfer et que j’étais un diable. Vous avez dicté cela, Héloïse l’a écrit, c’est Héloïse qui payera pour vous deux : d’abord parce que, connaissant bien la règle, elle est plus coupable que vous de l’avoir enfreinte, et ensuite parce qu’ayant du cœur vous souffrirez de la savoir en retenue plus que si l’on vous y mettait vous-même. »

La pauvre Héloïse, qui était restée tout le temps de cette scène les yeux rivés au sol, comme si elle eût souhaité qu’il l’engloutît, poussa un gémissement douloureux. Yette oublia une minute son angoisse profonde, pareille à celle du prisonnier qui voit s’échapper une chance d’évasion, pour ne penser qu’au désastre où elle avait entraîné son amie. La règle ! la règle ! comme elle la haïssait, cette règle odieuse, inexorable.