Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

141
LA CLASSE ET LA RÉCRÉATION.

une crainte, salutaire qui cependant ne suffisait pas toujours à empêcher beaucoup de sottises.

Yette, en sortant de table, fut entourée par ses compagnes, et les plus grandes lui firent subir un véritable interrogatoire fort indiscret, sur son pays, sur sa famille. Les réponses naïves de la pauvre petite étaient aussitôt tournées en ridicule.

« Voulez-vous bien, mademoiselle, nous indiquer le calendrier nègre où vous avez, déniché votre nom d’Éliette ?

— Parbleu, c’est le féminin du grand saint Éloi ! » s’écria Mlle Raymond.

Et toutes d’entonner en chœur le refrain du Roi Dagobert.

« Que fait monsieur votre papa ?

— Il est sucrier, » répondit Yette avec un certain orgueil, car à la Martinique les habitants sucriers forment une sorte d’aristocratie au-dessus des simples vivriers, qui cultivent un peu de tout.

Ces demoiselles se pâmèrent.

« Sucrier ! joli métier ! que fait ce mot-là au féminin ? Comment appelle-t-on votre maman ?

— Mon père est plus beau et meilleur que ne peut l’être aucun de vos papas ! dit Yette qui commençait à trembler de colère, et je vous défends de parler de maman, entendez-vous !