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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

Jusqu’à quel âge, dans ce pays-là, reste-t-on donc en nourrice ? »

Yette était pourpre.

« Mesdemoiselles, dit gravement Mlle Agnès, je vous prierai de remarquer que, si vous savez quelque chose, c’est qu’on vous l’a enseigné. Peut-être cette enfant n’a-t-elle pas été aussi favorisée que vous. »

Yette l’interrompit tout bas ; il lui semblait qu’on adressait là un reproche indirect et très injuste à ses parents.

« Non, dit-elle, c’est moi qui n’ai jamais voulu apprendre.

— Ah ! elle l’avoue, vous entendez ! dit une petite rousse au nez retroussé impertinent.

— Chut ! mademoiselle Raymond ! J’entends qu’elle est sincère et qu’elle ne laisse accuser personne à sa place. C’est une qualité que vous n’avez pas toutes. Allons ! un bon mouvement ! venez en aide à votre compagne au lieu de vous moquer d’elle. Il va être midi. Faites-lui les honneurs du réfectoire. »

Toute la classe se leva, mais personne n’offrit de donner la main à l’étrangère, confuse et dépaysée, personne, sauf une petite fille que Yette n’avait pas aperçue parce qu’elle était à l’extré-