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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

l’avaient frappée. « Y a-t-il quelque différence, pensait-elle pour la première fois, entre détruire ce qui n’est pas à nous et le voler ?» Sa conscience lui répondait qu’il n’y en avait pas. C’était donc quelque supplice comparable à ceux qu’avait encourus le compère lapin des contes de sa da qui allait lui être infligé ! Une peur mortelle la prit. Au moment même, en effet, Mlle Aubry préparait son châtiment qui, pour ne point ressembler à tous ceux qu’elle imaginait, n’en était pas moins sévère.

Mlle Aubry écrivit à Mme Darcey que sa petite protégée était plus intraitable encore qu’elle n’avait pu le supposer, mais que la première crise passée, elle s’apprivoiserait sans doute comme les autres. Seulement il fallait consentir, dans ce but, à la lui abandonner tout entière sans réserve.

« Elle sait maintenant, dit en terminant Mlle Aubry, que sa bonne ne doit pas rester à son service, le coup est porté, la blessure ne tardera pas à se cicatriser, croyez-moi, pourvu que rien de nouveau ne l’avive. Quand il s’agit d’opération douloureuse, il faut trancher vite et sans hésiter. C’est un gage de succès. Je vous prie donc, madame, de ne pas laisser revenir ici avant son départ, prochain, m’avez-vous dit, pour