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LE PENSIONNAT.

— Pourquoi faire, grand Dieu ! »

Fallait-il donc que la da gardât toujours la même chemise, la même jupe et le même collier ? La mine effarée de l’enfant fit comprendre à Mlle Aubry qu’elle comptait fermement avoir sa bonne auprès d’elle. Un regard assez inquiet fut échangé entre les deux dames.

« Chère petite, dit Mme Darcey, je vais vous laisser faire plus ample connaissance avec le guide excellent qui veut bien se charger de votre éducation. J’emmène celle-ci, montrant la négresse, pour quelques commissions indispensables. Elle reviendra tout à l’heure. »

Yette leva ses grands yeux francs sur les jolis yeux de chatte de Mme Darcey. Malgré toute la tendresse qu’elle portait à sa da, elle l’eût jugée capable de faire un conte au besoin, car l’habitude du mensonge, résultat de l’esclavage, n’a pas encore été effacée par l’exercice de la liberté, accordée aux nègres bien récemment d’ailleurs ; mais la pensée qu’une personne blanche pût mentir ne s’était jamais présentée à son esprit.

« Elle reviendra vite, vous me le promettez ? dit-elle.

— Sans doute. »

Mlle Aubry parut désapprouver le système de

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