« Je suis sûr, continua son père, que tu es allée encore à la sucrerie. »
La sucrerie était en effet le théâtre habituel des ébats de Mlle Yette. Elle y trouvait le jus de canne que l’on nomme vesou, la colle filante à demi cuite, les galettes qui s’attachent aux parois de la gouttière en bois dans laquelle on vide la batterie (chaudière) et qui conduit le sucre bouillant aux plateaux où il se refroidit. Yette partageait ses préférences entre toutes ces bonnes choses ; elle ne dédaignait pas non plus de croquer les cannes fraîches, et sa bande l’aidait si bien, que l’économe qui surveillait le moulin avait dû se plaindre plus d’une fois à M. de Lorme. Celui-ci tançait les négrillons. Yette s’accusait, sanglotait, implorait leur grâce, et, l’ayant obtenue, célébrait son triomphe par un nouveau méfait.
« Avoue, reprit sa mère, que tu t’es attaquée aux cannes !
— Oui, répondit la petite fille, ce sont les mulets qui m’en ont donné l’idée ; ils avaient l’air de trouver si bonnes leurs amarres[1] que j’ai voulu me régaler, moi aussi !
- ↑ Têtes de cannes munies de leurs feuilles que l’on hache si elles sont sèches et que l’on arrose de limonade de gros sirop.