Page:Bentzon - Yette, histoire d'une jeune créole, 1880.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

112
HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

des Grâces et des Muses en les appelant Uranie, Chloé, Astérie, Églé, etc. C’était une brunette d’une quinzaine d’années, jolie à la façon des poupées de porcelaine, coiffée, habillée selon les derniers préceptes du Journal des Modes, qui parlait du bout des lèvres en grasseyant, se tenait admirablement droite et n’avait déjà plus l’ombre de naturel.

Elle sortait de la pension Aubry où allait entrer Yette, et celle-ci, en l’apprenant, se demanda, effrayée, si le résultat de la belle éducation qu’on allait lui donner serait de la rendre semblable à cet automate. Elle ne savait pas encore, elle allait apprendre que les meilleures leçons ne servent à rien quand celui qui les reçoit n’est pas résolu à en profiter, et que l’élève doit travailler autant que le maître à son éducation, qu’il fait en grande partie à force de bonne volonté.

La da, qui avait été fort humiliée de l’échec évident de sa petite maîtresse, mit tous ses soins à la parer pour forcer les Darcey, qu’elle avait pris en grippe, de revenir sur leur première impression ; mais ce fut inutile, l’effet était produit. Yette n’était pas belle à la façon de Mlle Polymnie. Se sentant mal jugée et mal à son aise, elle avait l’air tantôt sournois, tantôt boudeur. Bref, elle ne savait