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HISTOIRE D’UNE JEUNE CRÉOLE.

(blouse) d’indienne déchirée par les branches des arbres auxquels, malgré ses neuf ans révolus, elle aimait encore à grimper. Une troupe de négrillons qui la suivait s’arrêta craintive sur le seuil, puis un geste du maître dispersa ces diablotins dans toutes les directions ; mais bientôt on vit çà et là des prunelles de feu étinceler entre les lames des jalousies. Le premier soin de Mlle Yette, avant de manger elle-même, fut de prendre sur la table quelques friandises pour les lancer généreusement à ses satellites, dont on entendit aussitôt les disputes, tandis qu’ils se ruaient dessus comme autant de jeunes chiens. Du reste, la coupable ne paraissait nullement confuse de son inexactitude ni de l’état de sa toilette, pas plus qu’elle n’était effrayée du courroux probable de ses parents.

« Ma foi, je n’ai plus faim ! dit-elle bientôt en se levant de table pour se jeter sur l’un des sièges qui garnissaient la galerie.

— Parce que tu manges toujours entre tes repas, quoiqu’on te le défende, » dit M. de Lorme essayant de prendre un ton sévère.

Yette éclata de rire. Très désobéissante par étourderie, elle était néanmoins incapable de mensonge.