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sable, — être comme tout le monde, — n’est-ce pas la pire dérision ?

Souvent le désir m’était venu d’aller voir Jane, mais j’hésitais toujours. Une sorte de crainte superstitieuse me défendait de franchir le cercle que j’avais tracé autour de moi, barrière imaginaire, plus haute cependant que celle d’un cloître ; il me semblait que je manquerais de courage pour traverser la ville, pour passer devant le cimetière.

Lorsque je me laissai enfin persuader par Furey, qui cherchait tous les moyens de me distraire, je crus, sur le seuil de la porte qui s’ouvrait après si longtemps devant moi, prendre mon élan dans un gouffre ; ce n’est pas une chose simple de rompre avec une monomanie. Tous ceux que je rencontrais me regardaient comme un échappé de l’autre